Planification successorale pour les familles reconstituées

Il existe plus d’un demi-million de familles reconstituées au Canada, ce qui représente presque 12 % de toutes les familles ayant des enfants. Une famille reconstituée est une famille dont une partie ou l’ensemble des enfants (naturels ou adoptés) sont issus d’une union précédente. Cette situation familiale de plus en plus courante peut entraîner des problèmes imprévus et complexes au moment de la planification successorale et de la rédaction de votre testament.  

Par exemple, peut-être jugez-vous approprié de simplement tout laisser à votre conjoint ou conjointe. Or, vos enfants nés d’une première union risquent alors de n’hériter de rien. Pour éviter cela, au lieu de détenir tous vos biens en copropriété avec votre conjoint ou conjointe ou de nommer cette personne comme unique bénéficiaire des actifs pour lesquels la désignation de bénéficiaires directs est permise, comme les polices d’assurance, vous devez planifier soigneusement votre succession. 

Qu’est-ce qu’une désignation de bénéficiaire?

La désignation d’un bénéficiaire direct consiste à nommer une personne qui recevra les fonds de votre REER, FERR ou CELI, ou encore le produit de votre police d’assurance vie à votre décès. Dans ce cas, l’argent ou les actifs ne sont ni transférés à votre succession ni inclus dans votre testament. 

Les pièges de la planification successorale pour les familles reconstituées

La façon de rédiger votre testament et de structurer votre succession peut se complexifier si vous voulez que vos enfants issus d’une précédente union reçoivent leur juste part de l’héritage. Prenons le cas de deux conjoints formant une famille reconstituée, qui omettent d’inclure leurs enfants respectifs dans leur succession.

Pierre et Mélissa sont mariés et ils ont tous les deux des enfants nés d’une union précédente. Leur maison et leurs placements non enregistrés sont détenus conjointement et chacun est le bénéficiaire direct des polices d’assurance, comptes d’épargne libres d’impôt et régimes de retraite enregistrés de l’autre. Voici quelques conséquences possibles :

  • Si Pierre décède en premier, Mélissa héritera de tout, puisque rien n’est transféré à sa succession (ses actifs sont transférés directement au copropriétaire et bénéficiaire, c’est-à-dire Mélissa). Même si le testament de Mélissa précise que tout doit être divisé entre ses enfants, seuls ses enfants naturels ou adoptés seront considérés et ses enfants par alliance seront donc exclus. Il faudrait que les enfants de Pierre soient mentionnés explicitement dans le testament de Mélissa pour qu’ils reçoivent leur part de l’héritage.
  • Si Pierre et Mélissa ont rédigé des testaments qui incluent des dispositions pour tous leurs enfants et que Pierre laisse tout à Mélissa, le testament de Mélissa pourrait devenir nul si elle se remarie (selon l’endroit où elle vit).
  • Si Mélissa se remarie sans faire de nouveau testament, elle décédera intestat (si elle vit dans une province ou un territoire où le mariage entraîne la révocation de tous les testaments antérieurs). Par conséquent, tous ses biens seront légués à son nouveau conjoint et à ses propres enfants.
  • Même si Mélissa rédige un nouveau testament qui inclut les enfants de Pierre, son nouveau conjoint pourrait toujours avoir un droit de préséance sur une partie (ou la totalité) de sa succession. Et si les enfants par alliance ne sont pas inclus dans le testament, ils n’hériteront probablement de rien.
  • Si Pierre et Mélissa veulent tous les deux être liés par leur testament original, ils doivent signer une entente par laquelle ils s’engagent à ne pas modifier ces testaments après le décès de leur conjoint. Autrement, un tribunal pourrait conclure que le testament original n’est plus exécutoire.
  • Même si Pierre et Mélissa signent des testaments qui incluent explicitement tous leurs enfants de même qu’un engagement à ne pas modifier leur testament, il est toujours possible que certains de leurs enfants soient déshérités. Par exemple, Mélissa pourrait se remarier et organiser ses affaires de façon à ce que son nouveau conjoint hérite de tout ce qui n’est pas dans sa succession (en l’ajoutant comme copropriétaire ou bénéficiaire direct de ses biens) et qu’il n’y ait rien dans sa succession pour les enfants de Pierre.

Comme vous pouvez le voir, si vous léguez tous vos biens à votre conjoint ou conjointe et que vous décédez en premier, vous n’avez aucune garantie que vos enfants hériteront. Les stratégies de planification successorale suivantes pour les familles reconstituées peuvent aider à prévenir ce genre de situation. 

1 Fiducie en faveur de l’époux/l’épouse ou du conjoint/de la conjointe de fait 

Une fiducie en faveur du conjoint ou de la conjointe peut désigner certains biens (comme une maison) que le conjoint survivant pourra utiliser de son vivant, mais qui seront légués aux enfants issus de la précédente union, à son décès. La fiducie distribue les biens qu’elle détient, conformément au testament du conjoint qui décède en premier (puisque ces biens n’appartiendront jamais au conjoint survivant).

Pour que cette stratégie fonctionne, il faut aussi s’assurer que vos biens sont transférés par succession, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas transmis automatiquement au conjoint survivant (ce qui serait le cas si vos biens sont détenus conjointement ou si vous et votre conjoint ou conjointe vous êtes nommés l’un l’autre à titre de bénéficiaire de votre CELI, etc.).

Cependant, si la fiducie n’est pas bien rédigée, il pourrait y avoir des conséquences fiscales au décès du premier conjoint. C’est pourquoi il est primordial de faire appel à un avocat ou une avocate d’expérience, spécialiste des successions, si vous choisissez cette option.

L’utilisation d’une fiducie en faveur du conjoint ou de la conjointe n’est cependant pas recommandée dans un certain nombre de cas :

  • Comme les enfants n’hériteront pas des biens tant que le parent par alliance ne sera pas décédé, cette stratégie n’est pas recommandée s’il n’y a pas une grande différence d’âge entre le nouveau conjoint ou la nouvelle conjointe et les enfants nés de la précédente union.
  • Si le conjoint ou la conjointe a le droit de retirer de l’argent de la fiducie (dont il ou elle aura probablement besoin pour satisfaire les droits relatifs aux biens familiaux), des désaccords constants pourraient survenir entre le conjoint ou la conjointe et les enfants quant aux montants retirés de la fiducie.
  • Bien que votre conjoint ou conjointe sera responsable de payer les frais d’entretien courants, les frais des améliorations apportées aux immobilisations incomberont à vos enfants, même s’ils ne pourront profiter du bien qu’une fois que le parent par alliance sera décédé. La plupart des enfants sont plutôt réfractaires à l’idée de devoir entretenir une propriété dans laquelle ils ne vivent pas, et lorsque les enfants refusent d’assumer ces frais, la propriété devient souvent vétuste.

Même si une fiducie en faveur du conjoint ou de la conjointe peut être recommandée dans certains cas, cette solution doit être utilisée avec prudence.

2 Partage des biens entre votre conjoint ou conjointe et vos enfants 

Une solution de rechange à la fiducie en faveur du conjoint ou de la conjointe consiste à léguer une partie de votre succession directement à votre conjoint ou conjointe et d’autres biens directement à vos enfants. Toutefois, dans certaines provinces et certains territoires, le conjoint survivant peut avoir des droits, dont celui de présenter une demande d’aide aux personnes à charge (de modification du testament, en Colombie-Britannique), ou encore une demande de partage ou d’égalisation des biens familiaux. Comme il peut être difficile de déshériter un conjoint ou une conjointe, il est important de bien structurer votre testament et de demander à votre conjoint ou conjointe de renoncer à ses droits de le contester.

Léguer des biens à toute autre personne qu’à votre conjoint ou conjointe peut aussi entraîner des charges fiscales, comme un impôt sur les gains en capital. De plus, les REER et les FERR légués à vos enfants deviennent habituellement imposables immédiatement (sauf dans de très rares cas).

Outre les biens et l’argent, il faut aussi penser aux souvenirs et aux trésors familiaux, qui peuvent avoir une grande valeur sentimentale pour vos enfants. Le legs de ces biens à votre nouveau conjoint ou nouvelle conjointe plutôt qu’à vos enfants peut causer des déceptions et des tensions au sein de la famille, et même entraîner des litiges. Demandez à vos enfants s’il y a des biens auxquels ils tiennent et incluez-les explicitement dans votre testament ou faites-en don à vos enfants de votre vivant.

Pour la planification successorale d’une famille reconstituée, si vous souhaitez partager le produit de votre succession entre votre conjoint ou conjointe et vos enfants, parlez à votre conseiller ou conseillère ou à un avocat ou une avocate spécialiste des successions. Ce ou cette spécialiste sera en mesure de vous fournir le montant de votre succession qui sera légalement dévolu à votre conjoint ou conjointe, et votre conseiller ou conseillère pourra vous fournir la valeur après impôt approximative de votre succession, ce qui vous permettra de savoir combien vous pouvez laisser à vos enfants.

3 Utilisation de l’assurance vie pour contenter tout le monde

Si vous jugez que vos actifs ne vous permettent pas de léguer un montant suffisant à votre conjoint ou conjointe (ou le montant auquel il ou elle a légalement droit) ou à vos enfants, l’assurance vie peut combler la différence et est souvent la solution la plus simple. Cela peut permettre au conjoint survivant et aux enfants issus d’une union précédente de recevoir chacun une partie de la succession, tout en réduisant le risque de conflits.

Vous devez toutefois prendre des précautions si vous avez de jeunes enfants. Si vous désignez des mineurs à titre de bénéficiaires d’une police d’assurance, le gouvernement provincial pourrait avoir le pouvoir de gérer les fonds jusqu’à ce que vos enfants deviennent majeurs, après quoi l’argent leur sera versé en une fois sous forme de montant forfaitaire. Il pourrait cependant être plus avisé de transférer l’argent dans une fiducie d’assurance gérée par un membre de la famille afin que les fonds soient versés à vos enfants sur une certaine période.

Discutez de votre testament avec votre conseiller ou conseillère

Comme nous l’avons vu, la planification successorale pour les familles reconstituées peut devenir assez complexe. Vous devriez parler à votre conseiller ou conseillère IG pour vous assurer que votre plan successoral est structuré de manière à avantager à la fois votre conjoint et vos enfants. Il est également conseillé de vous faire aider d’un avocat ou d’une avocate ayant une vaste expérience de la planification successorale, puisque les lois peuvent varier considérablement selon la province ou le territoire où vous vivez.

Si vous avez une famille reconstituée, organisez une rencontre avec votre conseiller ou conseillère IG pour discuter d’un plan successoral approprié. Si vous n’avez pas de conseiller ou conseillère IG, vous pouvez en trouver un ou une ici

 

L’information fournie dans cet article s’applique aux provinces et territoires du Canada, à l’exception du Québec. Au Québec, les biens détenus conjointement ne sont pas visés par un droit de survie et la désignation d’un bénéficiaire direct est autorisée uniquement pour les produits d’assurance.

 

Ce document, rédigé et publié par IG Gestion de patrimoine, contient des renseignements de nature générale seulement. Son but n’est pas de vous inciter à acheter ou à vendre des produits de placement précis ni de fournir des conseils juridiques, fiscaux ou de placement. Il convient d’obtenir des conseils adaptés à votre situation personnelle auprès d’un conseiller ou d’une conseillère d’IG Gestion de patrimoine.